07/10/2025 legrandsoir.info  5min #292698

 Trump propose Tony Blair pour assurer la transition à Gaza et Netanyahu annonce à l'Onu qu'Israël doit « finir le travail »

Blair et Kushner : les fausses promesses de la paix à Gaza

Mounir KILANI

Sous couvert de reconstruction, un duo improbable rejoue la vieille comédie du néocolonialisme diplomatique.

Le plan de paix en 20 points pour Gaza*, dévoilé par Donald Trump le 29 septembre 2025, est déjà une mascarade diplomatique. Mais l'implication de Tony Blair et Jared Kushner dans son élaboration ajoute une touche de grotesque à ce théâtre géopolitique. Ces deux figures, l'un ex-Premier ministre en quête de rédemption, l'autre gendre présidentiel reconverti en pseudo-stratège, incarnent à eux seuls la faillite morale et politique des prétentions occidentales à « résoudre » le conflit israélo-palestinien.

L'arrogance néocoloniale et l'opportunisme politique se disputent la vedette dans cette farce diplomatique.

Tony Blair, de l'Irak à Gaza : l'impossible rédemption

Tony Blair traîne un héritage lourd : celui de l'invasion de l'Irak en 2003, qui a plongé toute une région dans le chaos.

Depuis, il se rêve en artisan de la paix, multipliant missions, conférences et rapports, mais sa participation au plan de Trump, inspirée de sa propre proposition publiée par Haaretz, sonne comme une mauvaise plaisanterie.

Comment l'homme qui a contribué à détruire un pays peut-il prétendre reconstruire Gaza ?

Son Board of Peace (Conseil de la paix), qu'il co-présiderait, sent la tutelle impériale et la mise sous curatelle d'un peuple. Blair, avec son vernis de consultant et ses discours technocratiques, incarne le parfait missionnaire néocolonial : parachuté dans un conflit qu'il ne comprend qu'à travers le prisme de Davos.

Sur les réseaux, on ironise sur son « complexe de sauveur » et ses contrats juteux avec les pétromonarchies.

Blair n'est plus un artisan de paix : c'est un consultant en rédemption, vendant sa conscience à prix fort.

Jared Kushner : la diplomatie comme extension des affaires

Jared Kushner, lui, apporte à ce plan une touche d'absurde.

L'ancien promoteur immobilier, déjà auteur du « Deal du Siècle » de 2020 (rejeté avant même d'être présenté) rejoue la même pièce, persuadé qu'on peut pacifier Gaza avec des investissements et des zones franches.

Son « réalisme économique » réduit la tragédie palestinienne à une opportunité d'affaires.
Kushner confond diplomatie et transaction : il traite un drame humain comme une levée de fonds. Et quand on sait qu'il a obtenu 2 milliards de dollars du fonds souverain saoudien en 2022, la suspicion n'est plus une hypothèse, c'est une évidence.

Kushner parle de paix comme il parle de placements : rendement, stabilité, sécurité.

Une collaboration toxique, un plan voué à l'échec

Blair et Kushner partagent le même aveuglement : celui d'élites persuadées de pouvoir administrer la paix comme on gère une multinationale.

Le plan exige la démilitarisation unilatérale de Gaza, ignore les 700 000 colons en Cisjordanie et tait les enquêtes de la CPI visant Netanyahou.

Le « Board of Peace » qu'ils soutiennent relève d'une logique de tutelle : les Palestiniens deviennent spectateurs de leur propre sort.

Le Guardian souligne son vide opérationnel ; Al Jazeera y voit une « capitulation déguisée ».
Blair, avec son passé de va-t-en-guerre, et Kushner, avec son amateurisme, ajoutent à la disqualification morale d'un projet qui, sous couvert d'humanisme, perpétue l'humiliation.

Une alternative : la paix par la justice, sans charlatans

Face à cette imposture, une autre voie demeure possible : celle de la justice fondée sur le droit international, et non sur l'opportunisme.

Elle exige d'écarter les faux médiateurs et de rendre aux Palestiniens la maîtrise de leur destin. Ses fondements :

Un cessez-le-feu équitable, vérifié par l'ONU, assorti d'un gel de la colonisation et de la levée du blocus ;

Un État palestinien viable, fondé sur les frontières de 1967, reconnu comme un droit et non comme une faveur ;

Une reconstruction juste, financée par un fonds international de 100 milliards de dollars, administré par les Palestiniens et abondé par les grands pollueurs du Nord ;

Une médiation neutre, confiée à une conférence onusienne incluant les pays du Sud global, excluant définitivement les acteurs partiaux.

Gaza ne peut plus être un laboratoire pour les ambitions déchues : elle doit devenir un symbole de justice retrouvée.

De l'imposture au mirage : la diplomatie à bout de souffle

Ce plan, prétendument tourné vers l'avenir, n'est qu'un mirage de plus.
Même Poutine, au  forum Valdaï, n'y a vu que « le mérite d'exister », un compliment d'enterrement surtout quand il dit bien connaître bien Blair et qu'ils se sont même rencontré en pyjama un matin au petit-déjeuner. (Sic)

L'absence d'acteurs majeurs du Sud global, comme la Chine ou le Brésil, confirme qu'il ne s'agit pas d'un processus de paix, mais d'un exercice de communication.

Piloté par l'arrogance et la duplicité, ce plan prolonge la tragédie palestinienne sous un vernis de bonne conscience.

La question n'est plus de savoir si ce mirage va s'effondrer, mais combien de temps il tiendra avant que le monde n'ouvre les yeux, tandis que Gaza continue de saigner sur l'autel des illusions géopolitiques.

Gaza n'a pas besoin de décorateurs de la paix : elle attend des bâtisseurs de justice.

NB : Selon Axios * Le président des EU, qui a appelé vendredi 3 octobre le premier ministre israélien, lui a reproché de ne pas reconnaître une « bonne nouvelle » après l'accord de principe du Hamas.
Mais Benyamin Netanyahou n'était pas du même avis. « Bibi a dit à Trump qu'il n'y avait pas lieu de se réjouir et que cela ne signifiait rien », a déclaré un responsable étasunien au courant de l'appel.
Donald Trump de répliquer aussi sec : « Je ne sais pas pourquoi vous êtes toujours aussi f**trement négatif [I don't know why you're always so f***ing negative, en anglais]. C'est une victoire. Prenez-la. » L'échange a été confirmé par un deuxième responsable étasunien, précise Axios.

Dans une interview samedi 4 octobre à Axios, le président Trump a déclaré que cet accord était une « chance de victoire » pour Netanyahou. « Il était d'accord. Il doit l'être. Il n'a pas le choix. Avec moi, il faut que ça se passe bien », a tranché le locataire de la Maison-Blanche, prudemment optimiste.
Au final, on se demande ce qui est le plus difficile à obtenir au Proche-Orient : un cessez-le-feu durable... ou un compliment sincère entre Trump et Netanyahou.

*  www.axios.com/2025/10/05/trump-netanyahu-call-gaza-peace-deal-hamas
*  www.revueconflits.com/le-plan-de-paix-pour-gaza-texte-complet

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